Une délégation du comité international olympique (C.I.O.) débarque ce samedi à Paris pour évaluer la candidature de la capitale aux JO 2024. À deux mois du vote, la maire de Paris va dérouler le tapis rouge mais ne dira évidemment rien de la panade financière dans laquelle la Ville se trouve. Pourra-t-elle investir les 145 millions d’euros qu’elle a promis ?
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Nom d’un radis ! On savait que la maire de Paris était fâchée avec les chiffres, mais on ne pensait pas que ce fût à ce point. Pour se faire élire, en mars 2014, l’ex-première adjointe de Bertrand Delanoë avait pris l’engagement solennel de ne pas augmenter les impôts pendant sa mandature. Comme elle prévoyait en même temps de faire flamber les dépenses, l’équation s’avérait compliquée. À l’époque, nous avions calculé qu’il manquerait 200 millions dans les caisses dès la première année et qu’il faudrait à terme augmenter la taxe d’habitation d’au moins 20% pour rétablir la situation. Trois ans plus tard, on doit se rendre à l’évidence : nous étions au-dessous de la vérité. En réalité, le trou que la patronne de l’Hôtel de Ville est en train de creuser avec ses équipes et ses potagers est bien plus profond que cela. La facture qui attend les Parisiens au tournant est nettement plus lourde qu’on ne pouvait le craindre. Et si en plus Anne Hidalgo obtient l’organisation des Jeux Olympiques 2024 pour lesquels elle a promis d’investir 145 millions d’euros...
Pour prendre la mesure de cette dérive, il faut se plonger un instant dans les replis arides des documents budgétaires que la municipalité ne présente jamais au grand public. Et se rappeler que la comptabilité des collectivités locales est légalement divisée en deux : d’un côté, le budget de fonctionnement (frais généraux et masse salariale, couverts par les impôts et les taxes) et, de l’autre, celui des investissements. Selon la loi, le compte de fonctionnement, qu’il est interdit de combler avec des emprunts, doit impérativement dégager un excédent, baptisé « épargne brute ». C’est avec cette cagnotte, éventuellement complétée par de l’endettement – autorisé cette fois – que peuvent être financés les investissements. Autant dire que l’épargne brute est le nerf de la guerre pour toute collectivité locale qui entend se moderniser et développer ses équipements, comme c’est le cas de la capitale.
Une administration tentaculaire de 60 000 personnes
Le problème, c’est qu’Anne Hidalgo engloutit tellement d’argent pour payer ses frais de fonctionnement qu’il ne lui en reste plus pour investir. Certes, elle a un peu freiné la hausse des dépenses courantes. Des postes statutaires ont été remplacés ici et là par des emplois aidés payés au rabais, et les administrations centrales, qui étaient éparpillées dans 59 sites, ont commencé à être regroupées. Mais les gaspillages dans cette administration tentaculaire, qui emploie près de 60 000 personnes, tiennent toujours de la caricature. Rien n’a été fait par exemple pour limiter l’absentéisme alors que, selon un rapport de la Mission d’information et d’évaluation (MIE), il coûte 200 millions d’euros par an à la collectivité. Rien n’a été entrepris non plus pour renforcer la productivité des agents. La direction de la communication (qui refuse invariablement de répondre à Capital) est toujours aussi pléthorique, les services centraux accueillent encore à guichet ouvert les anciens des cabinets ministériels socialistes (à condition qu’ils appartiennent à la bonne tendance, celle de Benoît Hamon) et l’horaire de certains personnels n’atteint toujours pas les 35 heures requises.
À elle seule, l’affaire des ASP (agents de surveillance de Paris) suffit à donner une idée de la situation. À partir de janvier prochain, ces 1 500 salariés chargés de mettre les PV de stationnement n’auront plus de boulot, car le service sera confié à une société extérieure. Qu’en faire ? La municipalité a eu, un moment, l’idée de les charger de la mise en fourrière des voitures, une tâche actuellement effectuée par des personnels privés. Mais l’étude préalable qu’elle a fait réaliser lui en a vite fait passer l’envie : entre les suppléments de congés, la semaine de 32 heures, l’absentéisme, l’obligation statutaire de travailler en équipe de deux et les conflits sociaux qui ne manqueraient pas d’éclater, car ce job fait mal au dos, la masse salariale passerait de 9 à… 54 millions d’euros ! Du coût, si l’on ose écrire, la mairie a décidé de recaser ses ASP dans une « brigade de lutte contre les incivilités », opportunément créée pour la circonstance, dont la tâche principale consistera à verbaliser les jeteurs de mégots et ceux qui confondent poubelle jaune et poubelle verte…
Pas étonnant que la fameuse épargne brute ne soit pas vaillante ! En 2013, dernier plein exercice de Bertrand Delanoë, elle atteignait 481 millions d’euros, ce qui n’était déjà pas folichon. Cette année, bien qu’une bonne part des 300 millions mis en réserve par l’équipe précédente ait été engloutie, elle ne dépassera pas 107 millions, un chiffre absolument calamiteux. Pour s’en sortir, la maire de Paris est donc contrainte de se livrer à une incroyable manipulation financière. Depuis deux ans, elle convertit en logements sociaux des milliers d’appartements du parc privé, et elle exige de se faire verser d’un coup… cinquante années de loyer par les sociétés HLM à qui elle en confie la gestion. Elle a ainsi pu récolter 354 millions d’euros l’an dernier et 287 autres en 2017. Grâce à quoi elle peut améliorer son budget de fonctionnement et gonfler artificiellement son épargne brute pour financer ses investissements. Bien joué, l’artiste !
Un programme d’investissement de 1,5 milliard d’euros par an
À ceci près que cette pratique, qui fait bondir tous les spécialistes de comptabilité publique, s’apparente ni plus ni moins à de la cavalerie. Comme la mairie ne pourra plus toucher 1 centime de loyer pendant un demi-siècle, l’opération revient en effet à piller l’avenir pour assurer le présent, la pire dérive de gestion imaginable. Légalement, une telle recette non reconductible ne peut d’ailleurs servir à couvrir les frais de fonctionnement, puisque ceux-ci sont récurrents. Pour pouvoir le faire malgré tout, la mairie est donc allée solliciter discrètement une autorisation du gouvernement. Ce dernier, où elle comptait beaucoup d’amis, la lui a accordée à titre « exceptionnel » pour 2016 et 2017. Mais il ne l’a pas fait pour les trois années suivantes. Autant dire qu’Anne Hidalgo, qui a prévu de récupérer 300 millions par an de la sorte d’ici 2020, va devoir croiser les doigts pour que la future équipe au pouvoir accepte de couvrir sa petite manip. C’est loin d’être gagné.
Le pillage des sociétés HLM ne suffisant pas à financer son programme d’investissements de 1,5 milliard d’euros par an, la maire de Paris s’est lancée en parallèle dans la vente à gros débit de bijoux de famille. Immeubles, terrains, locaux divers… elle espère tirer chaque année 200 millions d’euros de cette braderie. Et comme le compte n’y est toujours pas, loin s’en faut, Anne Hidalgo est obligée, nous y voilà, d’emprunter à tour de bras pour boucler son budget.